lundi 22 juin 2015

Après le Rendez-vous au café avec Jean-Didier Urbain

Notre ami Philippe Beyney nous fait part de ses réactions après notre dernier café littéraire avec Jean-Didier Urbain.  
 
 Un café littéraire, ça commence par une présentation de la Présidente des RVLE, mais celui du 20 juin, veille de l’été, se veut moins cérémonieux : les deux protagonistes se tiennent debout en partie assis sur une table et Geneviève Pascaud commence par une question simple, directe et vive à son invité : qu’est-ce que la sémiologie 
Et c’est parti : faisant fi d’une réponse universitaire qui aurait pu ennuyer son auditoire, J. D. Urbain laisse dévider avec une facilité évidente le fil de ses idées ; elles arrivent en masse, il les capte au passage et nous captive en nous donnant l’impression d’être, ni plus ni moins, aussi intelligents que lui. La sémiologie était issue du domaine médical avant qu’un archéologue, H. E. Naville au XIXe siècle, l’étende à l’interprétation de l’ensemble des signes d’une société présente ou passée pour la reconstruire et la comprendre. Et avec lui, effectivement, la trentaine de chanceux qui l’écoutent comprennent : cette science est globale, totale et réclame donc du sémiologue une intelligence permanente des signes. Pour ne pas se perdre J. D. Urbain se centre et nous concentre sur ces thèmes de prédilection : le soleil, le tourisme, les voyages, organisés ou non, dans, sur et autour d’une vieille dame : la Méditerranée. Elle est « ridée », depuis 10000 ans que les hommes y échangent et s’y fixent, elle est femme, fermée voire recluse et communique difficilement avec son homme : Oceanos. La Grande Bleue, (soulignons au passage le titre du film de L. Besson « Le Grand Bleu » qui souhaite connoter, par le masculin, l’héroïsme viril des plongeurs en apnée), cette vieille dame belle et bleue est menacée et son avenir est incertain. L’orateur partage visiblement le pessimisme d’un de ses maîtres, Fernand Braudel.  
 Mais restons à l’époque du développement du tourisme plein de vie et de saveurs aux XIXe et XXe siècles, on passe du baigneur habillé et encordé, (mais oui, depuis Homère, les peurs ancestrales de Charybde et Scylla subsistent), au nageur qui flotte c’est-à-dire qui vole puisqu’il n’a plus pied et on a la surprise d’apprendre que c’est l’armée, avec ses bassins de noyade, qui est à l’origine de la natation civile 
 Autre remontée surprenante à la naissance d’un mythe touristique : le Club Med. Ce n’est pas Trigano qui l’a créé, mais Gérard Blitz qui, après-guerre, était spécialisé dans la réinsertion des prisonniers  en les regroupant, sans bien sûr les concentrer, pour les resocialiser.  
 Les idées de J. D. Urbain se succèdent toujours à une vitesse jubilatoire et communicative : tous les voyages organisés ne sont pas aliénants, un très grand nombre de récits de voyages sont ennuyeux mais pas ceux des vrais écrivains qui « marchent » : J. Lacarrière, N. Bouvier qui, lui aussi fait bon « usage du monde », Colin Thubron, Bruce Chatwin, mais aussi les écrivaines, Isabelle Eberhardt, Ella Maillart et Odette du Puigaudeau, liste non exhaustive tout comme les signes de l’imaginaire collectif que poursuit inlassablement le sémiologue qui, en une heure trente, nous a fait voyager en faisant de nous beaucoup plus que des touristes : des auditeurs avides de décrypter, avec lui le monde des hommes.