mardi 11 octobre 2016

Un noueau livre de Jean-Michel Delacomptée: Lettre de consolation à un ami écrivain




 

 Notre ami Jean-Michel Delacomptée, invité l’an passé à notre Grand Rendez-Vous, pour son Ecrire pour quelqu’un (Coll L’un et l’autre chez Gallimard) et  Adieu Montaigne  chez Fayard, nous a fait parvenir son dernier livre particulièrement jubilatoire,  Lettre de consolation à un ami écrivain, publié chez Robert Laffond.


C’est un manifeste débordant d’ironie. Une interrogation sur la littérature contemporaine et un cri d'alarme, sous forme d’une lettre d’un écrivain à un autre écrivain ami, qui bien que régulièrement publié, se  désespère d’obtenir la moindre critique et visibilité pour ses livres. Il vient d’annoncer sa décision de se retirer de la scène littéraire et de cesser d’écrire.  La lettre vise à le faire revenir sur ce choix. Elle cherche aussi à comprendre pourquoi des œuvres de belle facture restent confinées dans l’ombre alors que des textes médiocres connaissent tapage et succès et s'arrogent l'appellation de littérature.

Lettre à un autre ? Lettre à soi-même, qui sait ? Plaidoyer pro domo assurément, et éloge d’une écriture soignée, d’une belle langue, d’une littérature exigeante, même si elle reste minoritaire en raison du fonctionnement du « système » que forment éditeurs, medias, attribution des prix et majorité des lecteurs . Pamphlet incisif mais aussi témoignage d’une foi profonde dans les vertus du beau langage,  du style, l’ouvrage, fortement étayé par la grande culture classique et contemporaine de son auteur,  traite avec intelligence et élégance des mystères de l’acte d’écrire, des beautés de notre langue, de l’évolution du roman depuis le XVIè  et de la difficile question de discerner dans tout ce qui est publié et promu à grands cris ce qui a de la valeur et ce qui n‘en a pas, mais tient néanmoins le haut du pavé et les têtes de gondoles.

Pour JMD, la vraie littérature a presque entièrement disparu de la scène littéraire au profit de livres où priment le réel, l’autofiction, le document vécu, le déballage affectivo-sexuel, bâclés ou construits comme se font les séries américaines, avec efficacité, maitrise de l’action et réalisme des faits. Où sont les charmes de l’imaginaire ? «  C’est un lâcher-tout qui pressé de s’affirmer, s’est débarrassé de la langue richement élaborée, considérée comme une entrave une boursouflure, une masse de graisse. »

Le fait que les gros tirages permettent aux éditeurs de prendre des risques avec des livres plus difficiles ne rassure pas notre ami qui craint qu’à terme, cette littérature d' écrivains authentiques « pour qui chaque phrase à inventer est une mer à franchir, tout paragraphe qui se respecte est une odyssée » ne disparaisse définitivement …


Brillant, caustique, stimulant, plein de thèmes de réflexion, le livre est aussi une occasion de rire et de sourire tant les traits d’humour portent ! Le déboulonnage d’auteurs -tiroirs caisse portés aux nues par une critique et des medias complaisants, récompensés injustement par les prix littéraires, est tout à fait jubilatoire. Les derniers livres de Christine Angot et d’Annie Ernaux sont dépecés avec ironie et malice.

Et comment ne pas se réjouir en voyant évoquer in fine notre modeste association vézelienne comme symbole du petit reste de lecteurs qui résiste encore aux grands vents du nouveau  conformisme.