Elle a déjà publié
trois livres :
- le premier en 2012, aux éditions du Relief, « Je suis un héros, j’ai jamais tué un bougnoul
», présenté en version théâtrale l’an passé à la Maison Jules Roy. Il retrace
une figure de père, vitupérant, éructant, bouleversé, massacré par les
souvenirs de la guerre d’Algérie.
- Ensuite,
très différent, « Aimer et ne pas
l’écrire », autour de Marie de Gournay, la fille spirituelle un peu
oubliée, de Montaigne, dans une langue soutenue, classique, élégante. Publié en 2014 chez tituli.
- et
récemment « Le silence dans la peau »,
toujours chez tituli, dans un style serré, tendu, très travaillé. Après les
éructations du père, les silences de la mère ou le trop plein de mots qui ne
veulent rien dire….
Outre ces
textes, Claire Tencin écrit aussi de la critique
littéraire dans la revue trimestrielle « L’Atelier du roman » et
a publié un livre d’entretien avec un
essayiste-peintre, « L’étoffe et la peau », sur la peinture
contemporaine.
Entre les
trois livres, si différents dans la forme, un fil rouge : comment une
femme devient sujet, par le langage, la maitrise des mots et l’écriture.
« Le silence dans la peau » mêle oralité et langue très
écrite. Pas de dialogue pourtant, l’oralité y est inscrite dans l’écriture
quelquefois triviale, à d’autres moments très conceptuelle et poétique.
Variation des genres…
C’est un
livre court comme les autres, 75 pages, mais dense, construit, où les révélations
se font peu à peu, où la typographie est importante : des espaces blancs qui se
remplissent, des mots sont barrés, comme
censurés, des chapitres ou séquences commencent sur la page de gauche,
directement, sans espace vide, comme pour dire l’étouffement du huis-clos. La
première phrase qui revient comme une incantation...
A la
question du pourquoi des textes courts, l’auteur répond par son souci de
pratiquer une écriture-diagnostique, au scalpel.
Ses livres
ne sont jamais des romans, mais se présentent comme récit, prose…, Elle ne se
veut pas romancière, elle refuse l’écriture narrative linéaire et explique
qu’elle écrit par feuilletage, elle « monte » son texte, avec des
allers-venues, des propos de diverses natures.
A chaque
livre, l’écrivain cherche un style et rêve d’écrire des choses très différentes
sous pseudonyme.
Pour le
lecteur, c’est un texte sur trois générations de femmes et un texte sur le langage, sur l’écriture.
Donc une
trilogie avec des figures presque génériques : la Mère, la Fille, qui est
aussi la narratrice, et une absente, la mère de la mère.
Entre elles,
le silence de l’absence et le silence du trop- plein de mots, une lésion
sémantique entre mère et fille-narratrice… Entre ces trois femmes, un
Récit va s’élaborer, à travers la narratrice ; ce Récit, figure un peu
énigmatique, va remplir les blancs, lier les vies, leur donner sens.
Il va être
le Récit d’une émancipation, d’un rejet et d’une naissance à soi de la
narratrice. Son refus de la maternité, son refus du métier de femme, c’est pour
accoucher de la parole, du langage, de l’écriture. Le Récit d’une vocation
d’écrivain.
Claire Tencin sera invitée à une rencontre au café le samedi 3 juin 2017.
Geneviève Pascaud