mardi 22 novembre 2016

Un écrivain parmi nous: Claire Tencin, "Le silence dans la peau"

 

 
Claire Tencin va rejoindre notre équipe de RVLE où son expérience de jeune écrivain nous sera très utile. Elle vit entre Paris et un village du Morvan très proche de Vézelay.



Elle a déjà publié trois livres :

-  le  premier en 2012, aux éditions du Relief, « Je suis un héros, j’ai jamais tué un bougnoul », présenté en version théâtrale l’an passé à la Maison Jules Roy. Il retrace une figure de père, vitupérant, éructant, bouleversé, massacré par les souvenirs de la guerre d’Algérie. 

- Ensuite, très différent, « Aimer et ne pas l’écrire », autour de Marie de Gournay, la fille spirituelle un peu oubliée, de Montaigne, dans une langue soutenue, classique, élégante.  Publié en 2014 chez tituli.

- et récemment « Le silence dans la peau », toujours chez tituli, dans un style serré, tendu, très travaillé. Après les éructations du père, les silences de la mère ou le trop plein de mots qui ne veulent rien dire….

Outre ces textes, Claire Tencin écrit aussi de la critique littéraire dans la revue trimestrielle « L’Atelier du roman » et a publié un livre d’entretien avec un essayiste-peintre, « L’étoffe et la peau », sur la peinture contemporaine.

 

Entre les trois livres, si différents dans la forme, un fil rouge : comment une femme devient sujet, par le langage, la maitrise des mots et l’écriture.


« Le silence dans la peau » mêle oralité et langue très écrite. Pas de dialogue pourtant, l’oralité y est inscrite dans l’écriture quelquefois triviale, à d’autres moments très conceptuelle et poétique. Variation des genres…

C’est un livre court comme les autres, 75 pages, mais dense, construit, où les révélations se font peu à peu, où la typographie est importante : des espaces blancs qui se remplissent,  des mots sont barrés, comme censurés, des chapitres ou séquences commencent sur la page de gauche, directement, sans espace vide, comme pour dire l’étouffement du huis-clos. La première phrase qui revient comme une incantation...

A la question du pourquoi des textes courts, l’auteur répond par son souci de pratiquer une écriture-diagnostique, au scalpel. 

Ses livres ne sont jamais des romans, mais se présentent comme récit, prose…, Elle ne se veut pas romancière, elle refuse l’écriture narrative linéaire et explique qu’elle écrit par feuilletage, elle « monte » son texte, avec des allers-venues, des propos de diverses natures.

A chaque livre, l’écrivain cherche un style et rêve d’écrire des choses très différentes sous pseudonyme.

Pour le lecteur, c’est un texte sur trois générations de femmes et  un texte sur le langage, sur l’écriture.

Donc une trilogie avec des figures presque génériques : la Mère, la Fille, qui est aussi la narratrice, et une absente, la mère de la mère.

Entre elles, le silence de l’absence et le silence du trop- plein de mots, une lésion sémantique entre mère et fille-narratrice… Entre ces trois femmes, un Récit va s’élaborer, à travers la narratrice ; ce Récit, figure un peu énigmatique, va remplir les blancs, lier les vies, leur donner sens.

Il va être le Récit d’une émancipation, d’un rejet et d’une naissance à soi de la narratrice. Son refus de la maternité, son refus du métier de femme, c’est pour accoucher de la parole, du langage, de l’écriture. Le Récit d’une vocation d’écrivain.
Claire Tencin sera invitée à une rencontre au café le samedi 3 juin 2017.
Geneviève Pascaud