Le récent festival "Etonnants voyageurs" nous rappelle l'importance de la littérature de voyage et le goût que nous en avons.
Le samedi 20 juin, toujours au Sybar de Vézelay, nous rencontrerons Jean-Didier Urbain, un des spécialistes de la question.
Jean-Didier Urbain, un décrypteur des
voyages
Jean-Didier
Urbain est sémiologue, sociologue, anthropologue, ethnologue…..universitaire et
chercheur ! C’est surtout un observateur de nos comportements qui aime décrypter
les évidences.
C’est un des
meilleurs spécialistes du voyage, du tourisme. Lui-même voyageur et amateur de
littérature de voyage, il est auteur de nombreux ouvrages comme :
-L’idiot du
voyage. Histoires de touristes. Payot 1991
- Sur la
plage. Mœurs et coutumes balnéaires (XIXè-XXè) Payot 1994
- Secrets de
voyage. Menteurs, imposteurs et autres voyageurs impossibles. Payot 1997
- Paradis
verts. Désirs de campagne et passions résidentielles. Payot 2000
-
Ethnologue, mais pas trop. Ethnologie de proximité, voyages secrets et autres
expéditions minuscules. Payot 2003
- Le voyage
était presque parfait. Essai sur les voyages ratés Payot 2008
- L’envie du
monde, Paris Bréal 2011
- et tout
dernièrement : Au soleil, naissance de la Méditerranée estivale ;
Payot 2014 et chez La Martinière, « Un tour de France en affiches ».
- Le tour de
France des affiches, La Martinière 2015
Il est aussi
un homme cultivé, bon vulgarisateur, qui a beaucoup lu, beaucoup vu, beaucoup
pratiqué le voyage, beaucoup observé et réfléchi. Son écriture, toujours accessible, n’est jamais obscure.
Pour lui, tout est construit. Même ce qui nous apparaît
le plus évident, la mer, le ciel, la nature, les couleurs … est construit.
Socialement et culturellement construit. Réel, réalité, perception, tout est
convention, interprétation, fluctuante dans le temps, dans les lieux, imposée
par une certaine classe dominante. Sans même que nous en soyons conscients.
Le
sémiologue, anthropologue, ethnologue, débusque avec gourmandise nos gestes,
nos paroles écrites et orales, nos goûts.
Il distingue
deux grands types de voyages et de voyageurs : ceux qui veulent traverser
le monde et vagabonder, Guide du routard en poche, et ceux qui ne pensent qu’à
trouver le lieu de rêve pour s’y déployer comme des Robinson Crusoè.
Pour JDU, la
mer, comme objet de désir et d’agrément ne va pas de soi.
« La
grande bleue » est une appellation récente et en concurrence constante
avec l’Océan. La Méditerranée est féminine, l’Océan est masculin. Femme contre
homme, le couple est conflictuel. Elle est mère nourricière de culture, mais
aussi prostituée s’offrant dans l’ombre
aux désirs obscurs et infirmière veillant à la bonne santé des européens
souffrants.
Et de
retracer la longue et fluctuante histoire du désir de voyager autour ou à
travers elle, de s’y poser un temps. Les références littéraires sont
nombreuses. L’idée que le sociologue soutient est que les opinions qui
l’emportent et imposent des comportements sont toujours celles du Nord et que
le passage de la Méditerranée en tant qu’entité de loisirs de l’hivernal à
l’estival est récent. Il date en gros des années trente, de la démocratisation
des loisirs, d’une réhabilitation du soleil et de la chaleur, de la mode des
sports d’hiver, de l’amélioration des moyens de transports. Et du comportement
de certains intellectuels, américains notamment, venus du sud des Etats Unis,
et que n’effarouchent pas soleil et chaleur.
L’auteur
retrace aussi le développement de concepts comme les clubs de vacances et
surtout le Club Méditerranée, utopie vite dévoyée et avoue au fil des pages son
goût de la plage, du soleil, malgré le mépris qu’en ont, par souci de se
distinguer, ces fameuses classes dominantes qui nous imposent leurs fantasmes
et leurs pratiques….