jeudi 25 janvier 2018

"Temps restant estimé" de Dominique Drouin

Notre ami écrivain, Dominique Drouin, vient de publier son quatrième roman, "Temps restant estimé", qui aborde un thème quasi de sciences fiction: la Terre se rapproche dangereusement du soleil....

Un proche de RVLE, le journaliste Johan-Alex Lander, du journal Le Chronoscopia, s'entretient avec lui:

 

Johan-Alex Lander : Commençons par la question la plus banale qui soit, mais je n’en vois pas d’autres pour commencer : qu’en est-il de la ou des source(s) de votre roman « Temps restant estimé » ?

 

Dominique Drouin : En matière littéraire, la préhistoire d’un livre, ses sources sont si ténues qu’il est impossible de les identifier. Quelque chose sourd du côté d’un thème qui se met à miroiter. Ce sont plutôt des impulsions initiales qu’on sent vouloir se traduire en désir d’écrire ; il faudra les passer au crible du conscient pour en faire un projet ; s’assurer que les fondations s’enracinent en soi et promettent un développement.

Deux axes se sont alors dégagés et ont encadré ce sujet que j’avais, finalement, à cœur de traiter littérairement : deux aiguilles à tricoter le récit, si vous voulez.

L’une procédait du constat, fait à plusieurs reprises au cours de mes lectures, d’une grave insuffisance de culture scientifique chez les écrivains. La plupart ne savent pas dans quel univers ils sont. Comme si se perpétuait en toute innocence cette étanchéité scolaire entre les sciences dites exactes et les humanités.

L’autre, c’est cette fascination que j’ai pour la mécanique des objets célestes, mécanique très simple au demeurant, mais potentiellement si fragile qu’on peut s’étonner, s’éblouir du fait qu’elle dure, ou, si l’on a un tempérament anxieux, s’inquiéter de sa précarité, dont tout dépend pourtant. La science ne fait d’ailleurs que ça : mettre au jour la précarité et la contingence de l’édifice.

 

JAL : Ce sujet qui vous tenait à cœur a cette spécificité, effectivement, que le cadre en est ample : une perturbation de cette mécanique céleste, et ces conséquences incertaines. On pense un peu au film de Lars Von Trier, Melancholia.

 

DD : Mon livre avait déjà ses fondations et ses grandes lignes quand, presque par acquit de conscience, j’ai vu ce film extraordinaire et qui développe une superbe métaphore… Vous parlez de l’ampleur du cadre de mon livre. Je me sens à l’étroit dans la petitesse qui va croissant, si je puis dire, dans les sujets abordés de nos jours par la littérature. Dans ces petites, toute petites histoires domestiques, le couple, les enfants, les amours, les séparations, le corps, la mort, la maladie, le sexe, le meurtre, le fric, le moi et ses moignons sont les thèmes rabachés dans des formes qui dépassent rarement le cocon à l’abri de quoi on s’isole peureusement du cosmique, dans une écriture à l’avenant, pauvre et sans originalité, sans vision ; en cela, au moins, la cohérence entre fond et forme est assurée ! Mais c’est lassant, non ? Le nombril est le trou noir de la galaxie revendiquée par chaque auteur. On s’englue dans un narcissime anthropocentrique. Tout ça ressasse et étouffe.

J’avais besoin d’un peu d’air, de vaste, de respirer, de rappeler la contingence de tout ce qui est dans le monde, lui même contingent. Parler du macrocosme qui nous contient et nous pétrit. Relativiser ce que nous sommes…

Mais, ce n’est pas un roman de science-fiction : on n’y trouve pas les codes habituels du genre, la quincaillerie futuriste en est quasi absente, les canevas rhétoriques de la S.F. n’y sont pas non plus. La fiction scientifique plausible qui est développée dans mon livre n’est qu’un arrière-plan, ou plutôt un champ dans lequel s’animent, vainement, les personnages.

 

JAL : Vous semblez prendre un malin plaisir à rappeler qu’il existe un monde extérieur qui échappe aux actions humaines. On pense aux grands problèmes d’environnements : dans votre livre, la Terre se réchauffe.

DD : Le réchauffement climatique actuel, il n’est évidemment pas question de le nier. Mais ce n’est pas le sujet de mon livre parce que, justement, le réchauffement dont vous parlez est de responsabilité humaine. L’effet sur le climat de l’émission humaine croissante des gaz à effet de serre n’est plus une question, c’est un fait. Le parallèle s’arrête donc là : au seuil de la responsabilité. Il est d’ailleurs paradoxal qu’il s’en revendique autant dans une époque, la nôtre, qui laissera sans doute dans l’histoire le souvenir d’un âge infantile, d’une régression massive vers des conceptions puériles de la vie. Encore qu’il faille, là encore, faire le départ entre la réalité du terrain, et celle passée aux prismes idéologiques des différents médias.

Or, l’adulte est, selon moi, l’âge auquel nous comprenons que le monde dans lequel, infimes, nous sommes plongés n’a cure des désirs et des peurs humaines.

 

JAL : Pourtant, il y a des personnages dans votre roman et, en plus des sept ou huit personnages vivants, il y a la foule sur laquelle les premiers se détachent. Un peu comme le chœur dans la tragédie antique.

 

DD : Ah oui ?.. Les Grecs avaient une grande intuition du Cosmos (le mot même est grec), intuition qui a été perdue au fil de l’histoire occidentale. Je vous remercie de faire allusion à la tragédie grecque car il y a un peu de ça, en effet. Je vous laisse d’ailleurs chercher de quels noms de divinités antiques « Pondoise » et « Phiam Tiret » sont des anagrammes.

 

JAL : Je vais m’y atteler après l’entrevue… Dans votre livre, il y a cet écrivain mort, grand-père admiré d’un des personnages. La figure du grand-père est d’ailleurs prégnante dans vos livres. Pouvez-vous nous dire pourquoi faites-vous de l’aïeul une figure si récurrente ?

 

DD : Non… Je ne peux pas le dire. Je peux juste revendiquer une réflexion sur le statut de la littérature qui, en effet, traverse le livre, réflexion qui est portée par cet aïeul mort. A quel degré faut-il la prendre ; à quel degré nous chauffe-t-elle, la littérature ?

 

JAL : Je reviens sur la culture scientifique, que vous jugez insuffisante chez bien des gens de lettres. On peut pourtant largement douter de ce décrochement orbital de la Terre, qui fait pourtant le fil conducteur de votre livre et dont vous dites qu’il est plausible.

 

DD : Il est plausible, et le mécanisme de ce décrochement se décrit scientifiquement. Je vous renvoie à la notion, somme toute assez simple, toute newtonienne, de vitesse de satellisation. Le reste, ce que la science ne peut assumer, c’est à la littérature de le faire…

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Pour plus de précisions sur le roman de D.D., voir le site de l'auteur:
Scriptosum éditions:
http://www.scriptosum.fr/

vendredi 19 janvier 2018

Le Paris philosophe de Jean Lacoste, chez Bartillat


Ceux qui connaissent Jean Lacoste savent qu’il est bon randonneur et remarquable guide de promenades littéraires à travers le vézelien, les alentours de Dornecy où il demeure souvent et à Paris où il vit et travaille.

On le sait philosophe, on ne s’étonne donc pas, tant la tradition des philosophes marcheurs est forte, de la Grèce antique à nos jours. Comme si les pas déliaient l’esprit et le rythme de la marche libérait la pensée.

Jean Lacoste est aussi un chroniqueur de longue date de cette belle revue qu’était  La Quinzaine littéraire, devenue après la mort de Maurice Nadeau La nouvelle quinzaine littéraire. Avec la plupart de ses amis, il s’en est exclu pour créer ce bijou intellectuel et numérique qu’est  En attendant Nadeau. Nous conseillons à tous d’y plonger chaque quinzaine, au risque d’avoir du mal à s’en extraire tant sont riches les contributions des uns et des autres. Dont celles de Jean !

Paris philosophe, publié chez Bartillat est un très joli recueil des chroniques déambulatoires de notre ami, à travers les lieux emblématiques de la philosophie à Paris et les adresses marquantes de quelques philosophes d’hier et d’aujourd’hui. Il les évoque à l’aide de souvenirs et d’anecdotes "recueillies en marge des grandes œuvres"; il rappelle aussi quelques fondements  et grandes étapes de la démarche philosophique. C’est « une initiation originale, déambulante et malicieuse, à la philosophie. »

La Tour St Jacques avec les expériences de Pascal sur le vide, point de départ d’une autonomie des sciences par rapport à la théologie, inaugure ces promenades qui se poursuivent avec Ricoeur  à Châtenay-Malabris, Pascal encore, Auguste Comte, Jankélévitch, Simone de Beauvoir, Mme Helvétius, Heidegger, Bergson, Michel Foucault, Abélard et beaucoup d’autres….pour se terminer dans les bois de Vincennes, avec Gilles Deleuze.

On le voit, la balade est autant dans l’espace que dans le temps, toujours stimulante, grâce à l’immense culture et au sens pédagogique de l’auteur, qui sait au détour d’un chemin expliquer un concept, évoquer une idée. Le rassemblement en un livre, parsemé de photos, de ces chroniques leur confère une grande cohérence, elles se répondent. C'est bien un itinéraire philosophique à la portée de tous qui se dessine et se lit le crayon à la main, pour souligner quelques remarques essentielles. Le désir nait autant de lire les œuvres citées que de refaire la promenade.

Goût de la pensée et plaisir de marcher vont bien ensemble…
GPB

 Une excellente présentation par Jean Lacoste
https://www.youtube.com/watch?v=TetUGfGWiVY

mardi 16 janvier 2018

Voeux et nouveau visage: Sophie Caillat


 

Il n’est jamais trop tard pour souhaiter à tous les amoureux de l’écriture et de la lecture une belle et bonne année, remplie de pages blanches et de pages noircies de phrases et de mots…

Elle commence bien avec la Nuit de la lecture, un peu partout en France et notamment à Vézelay, à la librairie « L’or des Etoiles » et à la bibliothèque Gaston Chaissac  d’Avallon. Nos amis Jean-Pierre Cannet et Sara Saragoni liront pour la joie de tous.

Nous avions annoncé un probable passage de relais, il va se faire avec une nouvelle présidente, jeune et dynamique, parfaitement intégrée dans le monde du livre puisqu’elle est éditrice, co-fondatrice de « Premier Parallèle ». Nous l’avions reçue cette année lors d’une Rencontre au café. Sophie Caillat connait bien notre région, elle y a une résidence secondaire à Clamecy, elle connait bien aussi toutes les manifestations culturelles qui s’y passent. Elle ne pouvait se résoudre à la fin de notre RVLE et a proposé de reprendre au moins Le Grand Rendez-Vous de fin septembre. Nous la soutiendrons de notre mieux.

Quelques nouvelles en ce début d’année. Nos amis écrivains ont publié beaucoup. Citons notamment : Marie Hélène Lafon « Nos vies » chez Buchet Chastel et qui sera à la librairie L’autre monde  à Avallon le 2 février. Nos amis  Franck Achard, Dominique Drouin, Alain Kéwès, Jean Lacoste, Valery Molet (avec une préface de Jean-Pierre Cannet) , Jean-Didier Urbain ont aussi publié un ou des ouvrages. Nous reviendrons sur certains d'entre eux.Le Cahier de l’Herne sur Pierre Michon contient des articles remarquables d’Henri Mitterand , Jean-Louis Tissier et aussi de M.H. Lafon. Notre amie invitée de septembre Anne-Laure Liégeois présente actuellement « Les soldats » de Jakob Lenz, avec Olivier Dutilloy, à travers la France et en avril à Dijon. Nous suivrons les prochaines publications de nos auteurs et amis.

A bientôt chers amis, dans une bibliothèque, dans une librairie, dans une manifestation littéraire et au Grand Rendez-Vous de RVLE !
GPB