lundi 27 mars 2017

notre invitée du 8 avril aux Glycines: Sophie Caillat


La prochaine invitée de notre Rendez-Vous au café est une jeune éditrice de 39 ans, Sophie Caillat aussi dynamique que déterminée et chaleureuse. Elle  a acheté, il y a quelques temps, une maison à Clamecy. On la voit donc souvent dans notre région s’intéresser à toutes les activités culturelles.

Nous sommes ravis de l’entendre raconter sa belle aventure entreprenariale, menée avec une amie aussi souriante qu’elle, Amélie Petit.

Sophie, après quinze ans de journalisme dans la presse écrite (santé, environnement) et Amélie, après quinze ans dans l’édition, décident en 2014 de lancer ensemble " Premier Parallèle", une maison d’édition qui aspire à publier des livres d’actualités, documents, essais, témoignages, récits, enquêtes, sur les enjeux actuels, livres destinés à rester des livres de fond.

Leur pragmatisme les conduit à démarrer immédiatement avec des éditions numériques pour se constituer un catalogue et une clientèle susceptible d’inspirer confiance à un diffuseur.

Les deux jeunes femmes savent parfaitement maîtriser la chaine de la fabrication d’un livre numérique, ce qui leur donne une parfaite autonomie. Elles commencent néanmoins à faire imprimer à 300 ex. quelques titres, trois en 2015, qu’elles expédient elles-mêmes par la poste aux libraires qui s’intéressent à leurs productions.

En 2015, elles contactent de grands diffuseurs et sont mieux distribuées. Elles sortent aujourd’hui à 3000 ex. leurs derniers titres, comme « Bienvenue dans le nouveau monde » de Mathilde Ramadier, sur l’univers des start-up, déjà en réédition!
 Au total, elles publient peu (quinze livres au total dans le catalogue), entre huit et dix par an et tentent de penser chaque ouvrage dans sa singularité.

Parmi la production récente, on peut citer deux livres du psychanalyste Gérard Haddad, qui ont connu un large succès, Dans la main droite de Dieu et le Complexe de Caïn.



Leur prochaine étape va sans doute coïncider avec notre rencontre au café. Elle devrait les faire mieux connaître encore avec la publication de « L’âge de la régression », écrit par quinze intellectuels de divers pays (Bruno Latour pour la France) édité en partenariat avec treize éditeurs internationaux.

 

 



jeudi 23 mars 2017

Grandeurs et misère des littérateurs (Le Monde 23 mars 2017)

Ouverture le 24 mars du Salon du livre, grande messe médiatique, exposition de stars des lettres et manifestation qui oscille entre la culture et le commerce...Mais c'est l'occasion pour les journaux de publier des chiffres intéressants.


Dans le Monde daté du 23 mars par exemple, on apprend que dans le palmarès des "littérateurs" les mieux payés de France en 2016, publié par Capital, seuls 3 d'entre eux - sur 100.000 inscrits à l'Association pour la gestion de la Sécurité sociale des auteurs (Agesa), dépassent le cap du million d'euros de droits d'auteur: Guillaume Musso, Marc Levy et Michel Bussi, un auteur de polars. On comprend que le quotidien ait choisi ce terme de littérateurs plutôt que d'écrivains!


D'après le président du CNL, "avec trois fois plus de livres qu'il y a vingt ans et la même manne de droits d'auteur, on arrive à un système où l'on compte une quinzaine d'écrivains riches, 150 à 200 qui vivent de manière décente et après, c'est le marais."




90% perçoivent en effet des droits inférieurs au smic. Ils ne gagnent en moyenne qu'un euro par livre vendu, ils sont les plus mal payés de la chaine du livre, autour de 8% de son prix. Ce qui explique que les deux tiers exercent une autre activité professionnelle.




Peu d'écrivains vivent donc de leur plume, ce qui n'est pas nouveau et ce qui est peut-être une bonne chose, quoiqu'on dise. Les meilleurs d'entre eux, dans le passé tout au moins, exerçaient un autre métier, professeurs, journalistes, fonctionnaires.... Rester indépendant des goûts des éditeurs et du public, garder un contact avec le réel, partager la vie de tous, semblent souhaitable.




Ce qui reste regrettable, c'est la paupérisation de la profession, due à la surproduction d'ouvrages (plus de 25% entre 2007 et2014, pas toujours intéressants hélas!),  à des tirages de plus en plus faibles et au goût extrême de la nouveauté qui ne fait tenir un livre en présentoir que quelques semaines. Comme les films d'ailleurs...


Mais pas trop de pessimisme: la France est un pays où l'on lit encore, où la consécration d'un homme politique passe par l'écriture et le mépris qu'on en a s'explique souvent par leur manque de culture!

mercredi 22 mars 2017

Succès du café poésie de 18 mars. Des nouvelles de Mathieu Sapin...


L’année 2017 commence bien !

Le premier Rendez-Vous au café, traditionnellement dédié à la poésie avec le Printemps des poètes, s’est déroulé, c’est une première, dans un lieu étonnant et superbe, la salle de billard de La Renommée à Saint-Père. Ancienne salle à manger du restaurant de Mme Meneau, la mère de Marc. Atmosphère feutrée, quasi club anglais, livres anciens au mur, tableaux, fauteuils confortables et billard comme autrefois…
Nous avions confié l’organisation de la soirée à ceux qui connaissent le mieux l’état de la poésie aujourd’hui, Geneviève Peigné et Jean-François Seron. Ils nous ont présenté un Jean-Christophe Belleveaux subtil et chaleureux, et une lecture à deux voix improvisée avec Edith Azam.
Belle et prometteuse soirée.

 


Prochaine rencontre, le samedi 8 avril, aux Glycines, avec une jeune éditrice, Sophie Caillat.

Petite nouvelle d’un auteur déjà invité par RVLE, Mathieu Sapin. Nous l’avions reçu après la sortie de son album sur la « Campagne présidentielle » de François Hollande, chez Dargaud, 2012. Il vient aujourd’hui de publier chez le même éditeur « Gérard, cinq années dans les pattes de Depardieu » qui rencontre un accueil critique remarquable. Mathieu Sapin fait partie de ce vivier de bédéistes qui renouvellement le genre en l'orientant vers le reportage et le documentaire. Formidable !

lundi 6 mars 2017

Sur Eric Chevillard....par Dominique Drouin


 

Jalouser Jourde



« Eric Chevillard est mon ami » dit Pierre Jourde, ce que, même en en limitant l’acception aux liens « d’amitié » qui se filent et défilent sur les réseaux sociaux, je ne saurais dire : ce n’est pas Eric Chevillard lui-même qui administre la page à lui consacrée, créée par deux admirateurs de l’écrivain.


« Ecrivains », c’est par ce mot, précisément, cinglant seul au milieu d’une page, que Pierre Jourde ouvrait la dernière partie de son audacieux « La littérature sans estomac », après y avoir dûment éreinté les livres de celles et ceux qui, selon lui, n’en étaient pas. Eric Chevillard était au nombre des trois qui se trouvaient après cette page inaugurale, « Ecrivains », les trois seuls adoubés par Jourde. C’était à la fin du siècle dernier, période à partir de laquelle je peux donc dater le moment où je connus l’existence puis l’œuvre d’Eric Chevillard…


Pour le RVLE, nous aurions aimé le faire venir à Vézelay (il vit à Dijon, ce n’est pas le bout du monde) ; nous avons même tenté notre chance en passant par son éditeur. Las ! Le bonhomme ne goûte guère d’exhiber sa personne. Ce qu’il me confirma de vive voix, ce 27 janvier 2017 où, à l’invitation d’une librairie parisienne, il vint tout de même présenter son dernier opus : « Ronce-rose ». Tout transi d’admiration, j’eus alors cette confidence du maître : « Ça ne se voit peut-être pas, mais je combats une grande tension en moi pour être là ce soir » (citation reconstituée en substance, où n’apparaît pas la douceur navrée de l’excuse renouvelée). Et en réponse à ma question de savoir si son éditeur ne l’incitait pas, tout de même, à paraître en public : « Non, me dit-il, c’est une chance que les grands de chez Minuit aient préalablement damé ce terrain-là : Beckett détestait parader. » (citation approximative reconstituée en esprit). Pour moi qui, regrettant d’avoir déjà manqué l’occasion avec Proust, voulait tant ne pas recommencer l’erreur avec Chevillard, pour une rencontre loupée avec lequel je n’aurais plus eu le prétexte de l’écart infranchissable de l’âge, ce 27 janvier, donc, je fus comblé de constater qu’Eric Chevillard existait, qu’il avait une voix, portant un discours brillant, que le « roi avait un corps » (comme je le lui dis, faisant précisément référence à Michon écrivant sur Beckett).


Mat revers de son talent d’or, Eric Chevillard ne souhaite donc exister publiquement que par ses livres. Goût du retrait, signe d’une modestie vraie, de celle qui a la modestie d’elle-même, notamment celle de ne pas peser sur l’orgueil légitime de qui se sait une œuvre originale, une œuvre très importante derrière soi ; orgueil serein et justifié qui se goûte seulement dans l’intimité du rapport entre soi et soi.


J’échappais ainsi à l’épreuve de le recevoir, de le présenter à Vézelay, de parler de son œuvre, tout ce dont la seule représentation perspective me terrorisait.
« Vous êtes un ours, vous l’écrivez et je veux bien vous croire : sans doute, même, la raideur de vos poils le dispute au piquant de ceux du hérisson. Je le suis aussi, et c’est violence de bateleur qu’il faut que je me fasse avant de vendre ma peau. Donc, n’ayez crainte, entre ours, on se comprend. ». C’est ce par quoi je comptais l’amadouer dans ma lettre de fin décembre 2016. Il faut croire qu’il m’aura entendu au-delà de l’attendu, pour me soulager par son refus, exprimé le 12 janvier, là encore avec une touchante modestie : « Je vais décliner l’invitation pourtant, en m’excusant. J’ai deux ou trois rencontres prévues à l’occasion de la sortie de mon livre. C’est déjà plus que je ne voudrais. Ce n’est vraiment pas mon terrain... »


S’il était venu en terrain vézelien, passée l’épreuve, avec quelle fierté pourtant l’eussé-je conduit, promené, faisant le guide par les venelles bordées de ces pierres qui ont la rugosité cunéiforme laissée par de grands noms de la littérature ; avec quelle avidité eussions-nous respiré tout là-haut, dos à la Basilique (qui eût alors sacré un nouveau roi) ! Bienheureux, moi qui, comme Don Quichotte grâce au statisme de Chevillard (le cheval de bois, Clavileño dans loriginal), après ce voyage qu’eût simulé le souffle frais qui bat la Colline Éternelle, n’eusse pas eu à en découdre avec quelque Malambrun, ce qui, comme Dulcinée, m’eût laissé durablement enchanté.


Puisque l’œuvre d’Eric Chevillard y suffit amplement.


Je serai bref sur celle-ci, la presse et la Toile sont suffisamment disertes et point n’est utile de les recopier. Des études et colloques lui ont été consacrés : « Pour Eric Chevillard » (Éditions de Minuit), ouvrage collectif auquel ont participé Bruno Blanckeman, Tiphaine Samoyault, Dominique Viart, Pierre Bayard ; « Eric Chevillard dans tous ses états » (Classiques Garnier). Les romans, en prose jubilatoire, d’Eric Chevillard sont publiés aux « Éditions de Minuit », éditeur historique auquel s’est joint plus récemment « L’arbre vengeur » pour la publication des aphorismes dont il nourrit quotidiennement son blog, « L’autofictif ».


En outre, presque chaque semaine, il tient son « Feuilleton » dans « Le Monde des livres », très lu et dans lequel, sans complaisance, il aborde de façon critique un échantillon représentatif de la production livresque contemporaine.
Signalons enfin le beau portrait qui dévoile un peu l’écrivain, paru dans L’Obs du 12 janvier dernier.
L’œuvre proprement dite, est forte de trente-neuf livres, déjà (Eric Chevillard est né en 1964) avec, outre les différents volumes de «L’autofictif », des titres comme « Mourir m’enrhume » (1987) à « Juste ciel » (2015) et « Ronce-Rose » (2017), en passant par « Choir » (2010) ou « Démolir Nisard » (2006).


Dominique Drouin