Nous laissons la plume à Dominique Drouin pour nous signaler une de ses découvertes.
William RADET - Un flou dangereux : petit pan
de mur bleu
Ce roman jouit d'une diffusion, hélas, confidentielle.
Est-ce l'originalité du propos et de la composition, sobre pourtant et qui sait
se tenir, que boudent encore trop d'éditeurs ? Est-ce la finesse d'une prose
tirée au cordeau et lignant juste qui les désarçonne ? La trame textuelle
parfaitement tendue où rien ne gode ? Sont-ce les fines ciselures de dialogues
pesés au carat près ? Est-ce la poésie dont est couturé tout le texte qui les
lacère, eux ? Or, au décousu de la vie, opposer la poésie cousue main.
Si le talent se dévoile à l'étrangeté familière d'un texte,
à sa capacité à créer par les mots plutôt qu'à raconter, alors ce
roman en atteste beaucoup. On entre dans une structure littéraire dont le fil
s'épaissit, élève sa densité, puis se concentre en une concrétion garante de sa
cohérence. Les pièces d'aphorismes viennent l'étayer en s'ajustant en fondu au
puzzle général.
Et s'il faut signaler une coloration-repère de l'œuvre,
imaginez ce que pourrait être une synthèse originale où entreraient, disons :
Boris Vian, Raymond Roussel, Eric Chevillard et Samuel Beckett.
Ô la larme blême qui m'est venue à l'œil plusieurs fois à
cette réminiscence me traversant l'esprit, sur la pointe de ses talons et sans
égard pour mon tapis neuronal :
“ C'est ainsi que j'aurais dû écrire, disait-il. Mes
derniers livres sont trop secs, il aurait fallu passer plusieurs couches de
couleur, rendre ma phrase en elle-même précieuse, comme ce petit pan de mur...”1
Bleu que je suis !
(1) Marcel Proust "La Prisonnière"
Dominique Drouin